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La démocratie populaire est éminement plus démocratique que la dictature du capital déguisée en démocratie.

64 ans
PROFESSEUR (enseignant)
FRANCE 

 

 

1.    Compte tenu des changements économiques et politiques intervenus dans le monde au cours des 100 dernières années, depuis le Grand Octobre, la révolution socialiste, est-elle possible au XXIe siècle au niveau d’un pays ou d’une grande région?

Oui, bien sûr. La transformation de l'économie dans le but d'améliorer la vie du peuple, en premier lieu la vie des travailleurs, est possible dans un pays. Améliorer la vie signifie combattre les grandes inégalités sociales, donc augmenter les revenus faibles, augmenter les impôts sur les revenus des riches (imposition progressive), réduire le chômage et  le faire disparaître, rétablir et améliorer / développer les services publics, donc rétablir le rôle de l'État dans les domaines essentiels (logement, santé, éducation, culture, loisirs, transports, communications, contrôle des énergies -électricité, gaz-, et de l'eau), contrôle des prix dans le commerce, contrôle national sur la monnaie et la politique monétaire, interdire la spéculation, contrôle sur la planification de l'économie : les domaines vitaux ne doivent pas être concédés aux entreprises privées, qui sont guidées par l'appétit du lucre. Cela signifie donc abolir la propriété privée des grands moyens de production et d’échange, et la remplacer par une propriété sociale, sous contrôle des producteurs. 

Cela contredit la philosophie néolibérale et les lois du grand capital impérialiste, qui impose et garantit sa domination grâce à ses outils internationaux (transnationaux). Donc il est nécessaire de rétablir l'indépendance et la souveraineté nationale politique et économique par rapport aux organismes internationaux outils du capital, qui ont pour but d'assujettir les pays conformément aux règles capitalistes, en particulier aux règles néolibérales. En Europe il est indispensable pour un pays qui veut construire le socialisme, de se libérer en quittant l'Union Européenne et la Banque Centrale Européenne, et de ne plus dépendre du FMI ni de la Banque Mondiale. Retrouver sa souveraineté, être  souverain permettrait par exemple de redévelopper l'industrie dans le pays et d'établir des relations économiques librement dans le monde. 

Pour réaliser les objectifs sociaux et économiques il est aussi indispensable de développer le contrôle dans la production par les travailleurs (développer les droits et le rôle des syndicats) ; autrement dit : mettre en place le pouvoir des travailleurs dans la production. Cela permet en particulier que les entreprises d’État ne soient pas gérées suivant les règles capitalistes.

Contre ces orientations progressistes il y aura l'opposition des capitalistes dans le pays et de l'étranger. C'est pourquoi le développement de ces politiques devront s'adapter et dépendront de la capacité économique de chaque pays et des possibilités de relations avec d'autres pays progressistes dans le monde. Faire du socialisme dans un pays est plus difficile que le faire dans plusieurs pays, et c'est certainement plus difficile dans un pays petit et pauvre. Mais ce n'est pas impossible.

2.    Vu l'expérience des pays de gauche en Amérique Latine des deux dernières décennies, est-ce que la révolution peut se produire d’une manière non-armée (ou, comme on dit souvent, pacifique)? L'arrivée des travailleurs au pouvoir au sein d’un large front populaire, est-elle possible dans le contexte des mécanismes électoraux bourgeois?

Est-ce que les travailleurs eux-mêmes sont arrivés au pouvoir dans les pays qui ont adopté une orientation plus sociale ? Non, ce n'est pas le prolétariat qui a pris le pouvoir. Ce sont des groupes politiques qui ont mis en oeuvre des politiques plus favorables aux intérêts des humbles. Cela répond partiellement aux intérêts du prolétariat. 

Nous constatons que l'arrivée au pouvoir de gouvernements favorables ou se déclarant favorables aux intérêts des travailleurs, par la voie électorale est possible, mais la condition est une mobilisation active des masses avant les élections, sur une période assez longue, et après. Nous constatons aussi que le maintien au pouvoir de ces gouvernements arrivés au pouvoir sans la force armée dépend de deux facteurs principalement : la mise en oeuvre effective de politiques suffisament sociales répondant aux besoins populaires (permettant de maintenir un soutien électoral suffisant et une mobilisation sociale active favorable au gouvernement suffisante) et l'acquisition du soutien des forces armées au gouvernement : quand un ou les deux facteurs manquent, ces gouvernements ne parviennent pas à se maintenir au pouvoir. Un autre facteur important est le rôle idéologique des moyens de communication de masse, qui sont partout contrôlés en majorité ou totalement par les forces réactionnaires favorables au capitalisme. A l'inverse, nous avons vu que des gouvernements progressistes issus de lutte armée pouvaient aussi perdre le pouvoir de diverses manières (Nicaragua, El Salvador)

3.    La dictature du prolétariat est-elle nécessaire de nos jours, et quelle pourrait être la forme de cette dernière? Pour répondre à cette question, il faut tenir compte du fait que, vu la révolution scientifique et technologique aussi que l’évolution du niveau d'instruction de la population, etc., la notion du «prolétariat» appelle des précisions.

Le prolétaire est le travailleur qui n'a que la vente de sa force de travail pour vivre, la personne dont la vie est aliénée par le travail au profit d'un propriétaire des moyens de production.

La notion de Dictature du Prolétariat n’a pas une définition simple.

Marx écrivait lui-même dans Les Luttes de classes en France (1848-1850) : « Le socialisme est la déclaration permanente de la révolution, la dictature de classe du prolétariat, comme point de transition nécessaire pour arriver à la suppression des différences de classes en général. (Etienne Balibar, Cinq études sur le matérialisme historique, p.25). Donc, la dictature du prolétariat équivaudrait au socialisme, cette période transitoire entre le capitalisme et le communisme. Elle apparaît comme un ensemble politico-économique et non comme un simple régime politique. Pendant  cette période les grands moyens de production et d’échange sont socialisés. Mais en quoi consiste la structure politique établie dans ce système ? Il n’y a pas de définition unique. Quand le terme Dictature du Prolétariat est employé, de nos jours on pense à l’exemple historique Soviétique. Remarquons que personne n’emploie ouvertement ce terme de Dictature pour caractériser le régime politique instauré dans le cadre d’un processus se définissant socialiste. Après la seconde Guerre Mondiale et à l’issue des guerres anticoloniales, nulle part les régimes politiques visant à instaurer le socialisme ne se sont qualifiés par le terme de Dictature

En effet, au niveau politique l’objectif de la révolution socialiste est l’approfondissement de la démocratie. Les adversaires de la révolution socialiste ont utilisé la contradiction entre les idées de dictature et de démocratie, se présentant eux comme des démocrates et en occultant la nature dictatoriale de la domination du capital, pour discréditer ceux qui utilisent le concept de Dictature (du prolétariat) pour construire le socialisme. Dictature est devenu synonyme de tyrannie, de fascisme.   

Il faudrait donc renommer ce que Marx avait appelé Dictature pour que les masses ne confondent pas ce régime avec ce qui est considéré communément de nos jours par le mot dictature (devenu synonyme de fascisme) ? Les pays qui ont instauré le socialisme ont été qualifiés de Démocraties Populaires.  

La démocratie populaire est éminement plus démocratique que la dictature du capital déguisée en démocratie. 

Comment ces classes exploiteuses se maintiennent au pouvoir ? En pratiquant un régime politique qu'ils appellent démocratique mais qui est toujours une caricature en réalité anti-démocratique, permettant de contourner, d'édulcorer la démocratie réelle, populaire, directe. Ils se servent du concept et du mot Démocratie pour tromper et soumettre le peuple, tant que cela leur est possible. Quand leur démocratie même partielle les met en difficulté ils font appel au fascisme. En réalité, les deux sont deux formes de la dictature du capital. 

Le régime politique qu'instaurerait un pouvoir populaire déterminé à ne plus permettre le retour au pouvoir de la classe exploiteuse serait basé sur un élargissement de la démocratie, sur l’établissement de la démocratie réelle.

Si Dictature du Prolétariat c’est Socialisme comme système avec Démocratie populaire comme régime politique, Démocratie réelle, oui, elle incontournable tôt ou tard dans le processus révolutionnaire. Cependant il faut mettre à jour le terme. 

La démocratie populaire, mettant en œuvre effectivement une politique économique et sociale basée sur les intérêts du prolétariat est capable d’empêcher le retour des classes exploiteuses au pouvoir. 

C'est ce qui exista dans les pays socialistes après la seconde guerre mondiale, ce qui existe à Cuba. Ce n'est pas exactement le prolétariat qui est au pouvoir mais un gouvernement qui met en oeuvre des politiques basées sur les intérêts du prolétariat. 

4.    La victoire de la révolution aux États-Unis et dans d'autres centres de l'impérialisme mondial, est-elle possible dans un proche avenir?

Non, le triomphe d'une révolution socialiste ne semble pas proche ni aux États-Unis d'Amérique ni dans un des pays capitalistes dominants, car les forces politiques se réclamant de cette révolution n'y disposent pas d'un rapport de forces en leur faveur. Aux USA le système politique est complètement verrouillé : il rend impossible l'expression démocratique par voie électorale. Et par ailleurs les mentalités sont largement colonisées par le crédo capitaliste et anti-communiste. En Europe occidentale, pour qu'un gouvernement anti-capitaliste mette en oeuvre une politique opposée aux intérêts du capital, il faudra qu'il se libère de l'Union Européenne. Or cette idée est généralement absente des programmes des partis se déclarant de gauche. Peut-être que le seul pays capitaliste important où une révolution socialiste soit envisageable est la Russie : l'héritage et la mémoire du socialisme me semblent y avoir encore un poids important, capable de surmonter le blocage des mentalités, qui est présent ailleurs.

5.    Quelles sont les causes du déclin du mouvement communiste dans le monde? Nous en avons le coeur serré mais il est impossible d'ignorer que, dans nombre de pays, les mouvements qui se distancient délibérément de la politique ou qui affichent une orientation extrême droite, populiste et carrément démagogique, ont plus de partisans parmi les travailleurs et les exploités que les communistes.

La baisse d'influence des idées et des organisations politiques communistes, qui a été observée jusqu'à ce que la crise de 2008 recommence à les aider à se développer de nouveau, a deux causes concordantes : les erreurs et échecs partiels des régimes dirigés par des partis communistes, et surtout le développement très large, généralisé des outils de propagande et de contrôle des esprits (radio, télévision, cinéma) dans les pays capitalistes, qui a développé des réflexes anticommunistes puissants en dénigrant systématiquement le socialisme existant. Ces réflèxes ont même atteint les organisations se disant communistes, dont les plus importantes ont abandonné de manière opportuniste soit ouvertement soit discrètement le combat des idées, le combat contre l'anti-soviétisme. Cela s'est énormément accentué après la dislocation de l'URSS et le coup d'État échoué de 1993 : l'effet a été une perte de repères et une soumission plus grande aux crédos capitalistes, une perte d'idéal et de perspectives de changement. 

Il faut réfléchir à la réalité du phénomène qui concerne y compris les pays où des partis communistes ont été au pouvoir. Comment ces partis quand ils n’ont plus été  au pouvoir, ont perdu l’influence qu’ils semblaient avoir quand ils avaient le pouvoir ? Leur influence idéologique était-elle réelle ? Comment des millions de membres des partis ont pu facilement disparaître ?

La faiblesse des mobilisations syndicales et politiques en Russie et dans les pays de l'ex-URSS doivent nous être expliquées par les communistes de l'ex-URSS, mais on peut indiquer comme causes le fonctionnement des syndicats, et du PCUS, l'absence de lutte idéologique réelle, la fausse croyance en la disparition de la lutte de classes dans le socialisme, qui a développé un esprit d' «union sacrée» qui est devenu esprit de collaboration de classes quand le capitalisme a été restauré. La passivité est-elle aussi la conséquence de désillusions et de désarroi suite aux erreurs de l'autoritarisme administratif de l'époque de Staline, ou du travail de sape politique et idéologique de Kroushchev, ou aux trahisons des périodes Gorbatchev et Eltsine … ?

Le soutien (et la participation) de partis communistes (comme en France) ou de leurs successeurs (comme en Italie ou dans des pays d'Europe de l'est) à des gouvernements sociaux-démocrates menant des politiques éloignées des intérêts des travailleurs, abandonnant l'opposition à l'intégration dans l'Union Européenne, n'ont pu que favoriser l'assimilation de tous les partis comme co-responsables de la dégradation de la vie et de la situation économique des pays. La contestation ne peut plus dès lors s'organiser derrière un parti de gauche considéré comme co-responsable de la situation, mais soit en dehors du terrain politique traditionnel, soit derrière des organisations se disant vierges et «anti-système», sans s'inquiéter de leur nature souvant d'extrême-droite. 

D'autre part, les partis de droite au gouvernement ont adopté depuis une quinzaine d'année une attitude dure de refus de céder aux luttes syndicales. En France de nombreuses mobilisations syndicales massives n'ont pas réussi à faire reculer les gouvernements ou bien les organisations syndicales ont eu peur d'aller à la confrontation et les partis de gauche ont eu la même attitude de résignation craintive. Cela s'était produit auparavant en Grande-Bretagne sous le gouvernement Thatcher . En Italie et en Espagne les principales centrales syndicales ont renoncé à une lutte radicale de classe et se sont adaptées à une lutte d'accompagnement du système, conforme à l'orientation réformiste de la CSE (confédération syndicale européenne). 

Le conditionnement anticommuniste des esprits explique aussi le recul de l'influence des organisations communistes. Cela est illustré par le fait que les révolutions et prises de pouvoir de gauche depuis longtemps ont été réalisées par des organisations ou mouvements ou coalitions de partis non-communistes sauf au Chili en 1970-73. Par exemple Cuba, le Vénézuéla, la Bolivie, l'Equateur, le Salvador, le Nicaragua et dernièrement le Mexique.

6.    Dans quelle mesure l'existence des partis communistes à l'échelle nationale est-elle justifiée dans le monde moderne? Quelles pourraient être aujourd'hui et dans l'avenir la logique, les perspectives du développement du parti communiste?

En principe, un parti communiste est le moteur, l'organisateur de la révolte consciente du peuple contre les aberrations congénitales du capitalisme, et pour l'instauration du socialisme. Si le contexte idéologico-politique détermine l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement non dirigé par un parti communiste, mais plus favorable aux travailleurs, que doit faire un parti communiste ? Voilà la question centrale. L’utilité d’un parti communiste reste entière, s’il reste en phase avec le peuple tout  en se faisant le défenseur et porte-parole des intérêts du prolétariat, favorisant la radicalisation du processus politico-économique. Nous pouvons observer ces dernières 25 années les exemples de plusieurs pays d’Amérique Latine où des gouvernements progressistes de différents types sont ou ont été au pouvoir. Dans lesquels les partis communistes, quand ils existent, ont un rôle efficace ?
 


  • For the decoration of the article, a painting by the English artist David Newton was used